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Soul Food (Kathy, Ostend, Belgium – June 22)

Je suis née dans une casserole.

Mon papa, Jean, sentait le jambon de Parme et le pain cuit.

Ma maman qui cuisinait pourtant du matin au soir, pour les autres, les clients, détestait les odeurs de cuisine et préférait quelques gouttes de Dior dans le cou.

Ma marraine, Marie-Josée, sentait le sucre, le biscuit, le chocolat, un peu la graisse cuite aussi.

Marcel, mon parrain, avait une haleine de vin et d’alcool; il était représentant en vins et liqueurs.

Bruxelles sentait les gaufres chaudes et Ostende la poulet rôti du Koekoek.

Aussi loin que je me souvienne, la bouffe a toujours tenu une place importante dans ma vie.

Ma marraine prétendait qu’une femme tient son homme par le ventre.

J’ai de solides doutes quant au niveau de ce “ventre”.

Mais bon, dès le matin, les fourneaux turbinaient aussi bien chez mes parents que chez Marraine et Parrain. C’était un couple, c’était pratique.

Maman ne m’a jamais appris la moindre recette et je me demande même si elle aimait cuisiner, en fait.

Néanmoins, je pourrais reconnaître son lapin aux pruneaux et sa blanquette de veau à la première bouchée.

Du simple, du bon, du chaud, du répétitif.

Pas de sortie de route, pas d’improvisation. Mais une redoutable efficacité gustative.

J’ai déraillé de cette lignée.

J’annonce un couscous aux amis et dès que je coupe les oignons, une lubie me prend et je me mets à improviser, à créer une nouvelle aventure culinaire et je revis des voyages en plongeant dans les boîtes aux épices, et puis, surgit une autre idée à partir de la couleur, de la texture, de la saison et hops voilà un nouveau virage interrompu par une furieuse envie de dresser une jolie table.

Et vas-y que je tâtonne le ciel pour savoir si on va manger dehors ou dedans.

Je sens le plaisir avant l’arrivée des invités.

Et c’est le même cirque quand je suis seule à table.

Chaque jour, j’aime choisir la tasse et la sous-tasse qui correspondent à mon humeur, à mes aspirations.

Il en est de même pour les assiettes, les verres, les couverts, les serviettes, les nappes, les fleurs. Je les élis, je les chouchoute, ils me font du bien.

Ils viennent souvent de loin et me plongent la tête dans des souks ou des marchés puants ou merveilleux. Des moments délicieux.

J’aime manger, cuisiner, cultiver, choisir surtout ce que je connais pas.

La surprise gustative me réjouit.

Au Mexique, le bouillon de poulet guérit tous les maux.

Au Vietnam, les multiples plats tournent au centre de la table et le porc croustille.

En Inde, le tchaï tchaï tchaï est un bonheur réconfortant sans cesse renouvelé.

Au Maroc, à Essaouira, ce sont les pois chiches chauds servis dans des cornets de papier avec du sel et du cumin qui me font sautiller de joie sur la plage le soir.

Au Japon, mes yeux mangent tout tellement c’est beau et raffiné. Délicat et unique.

En Italie, l’ail et le basilic arrosés d’huile d’olive très parfumée pourraient suffire avec une tomate mûre gorgée de soleil et de saveurs.

Je suis gourmande, je suis gourmet.

Je suis curieuse, je suis furieuse.

Mon âme aussi se nourrit de toutes ces couleurs, tous ces labeurs, ces goûts, ces cultures qui nous racontent la vie sur Terre.

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