
Urine, chicon et Borinage attitude – 1ère partie – (Kathy- Boussu – Juin 2025)
English version below
Une brasserie coopérative à Boussu qui bouscule les codes
Boussu, à 22 kilomètres de Valenciennes en France, et tout près de Mons, la belle Capitale Européenne de la Culture en 2015. Beaucoup de voitures, peu de piétons, un seul vélo. Et une brasserie coopérative boraine qui crée du lien autour de six ou huit bières aux noms originaux, aux saveurs uniques.
Mais comment j’ai atterri là?
Lors d’une conférence sur la visibilité des coopératives, fin janvier 2025, je découvre la Brasserie du Borinage. Dans la salle des ventes de Bel’Orta, un intervenant monte sur scène. Pas de costume-cravate, pas de discours corporate. Juste un gars passionné qui balance un pitch avec une énergie redoutablement efficace.
Ma curiosité est piquée. Je suis captivée.
Un modèle coopératif sans fioritures
Fondée en 2020 par trois mousquetaires, la Brasserie du Borinage n’a rien d’une aventure brassicole classique. Dès le départ, ils cassent les codes : ne pas juste produire une bonne bière locale, mais créer un outil de transformation sociale et culturelle à partir d’un produit populaire. Cette coopérative est née pour rassembler.
Aujourd’hui, la brasserie compte plus de 650 coopérateurs ambassadeurs et près de dix employés à temps plein. Ils viennent du coin, bien sûr, mais aussi d’ailleurs. C’est un réseau vivant, actif, qui injecte des idées, des bras et du sens.
Ils brassent à Boussu dans l’ancienne ferme familiale d’André, le père d’Antoine Malingret (Pinte Manager), aujourd’hui transformée en micro-usine collective. C’est drôle, ils vendent plus à Liège qu’à Mons, leur voisine directe.
Le projet est bien ficelé : ils avaient promis un lieu ancré, des bières identitaires, un engagement fort, et ils ont tenu parole.
“On dit ce qu’on fait, et on fait ce qu’on dit.” – Cédric Minot (Propaganda Officer)
Leur communication est inspirante, bien pensée, omniprésente. Tout est prétexte à raconter. Même un procès, suite à une étiquette parodiant un policier, est transformé en épisode de storytelling. Il y a de l’autodérision, une culture visuelle forte, et cette capacité à fédérer autour d’un esprit : la Borinage attitude.
Une bière, un manifeste
Chaque bière raconte une histoire. La Urine, une IPA délicieusement parfumée, est devenue leur emblème, leur produit phare, leur meilleure vente. Il fallait oser : nom provoc’ au goût prononcé et subtil. Il y a aussi la Mulet Pils, la Boriner Vice, l’Empire, ou encore cette étonnante bière au chicon et à la cassonade. Plus belge que ça, tu meurs.
Derrière l’apparente déconnade, tout est pensé. Tout est message. Jusqu’au packaging. Ils défendent la canette : plus légère, recyclable à l’infini, meilleure pour la conservation. Lors de ma visite, Cédric Brunin (Mandaï en Chef), m’apprend qu’un seul rayon de lumière peut altérer le précieux breuvage et qu’aux Etats-Unis, ce sont les bières de moindre qualité qui finissent en bouteille.
Leur choix de la canette n’est donc pas une concession à la mode US : c’est une décision cohérente, écologique et innovante pour les bières craft belges.
La coupe mulet pour faire rayonner la Brasserie du Borinage
Et puis, il y a ce moment génial : le Festival de la Coupe Mulet. Organisé pour la première fois en 2019, cet événement un peu fou va faire du bruit autour de la brasserie. Le résultat dépasse les attentes : près de 1 500 personnes, une ambiance de feu, des concours de coupes, des concerts, des happenings capillaires, et …. la création de la Mulet Pils.
La coopérative peut être rock’n’roll, fun, sérieusement efficace et source de richesses humaines. C’est un vivier de talents inattendus, où chacun apporte sa touche : un graphiste, un agriculteur, un spécialiste en fermentation, un passionné de folklore local. Ils ne font pas semblant d’être participatifs. Ils le sont.
Les temps sont durs, mais nous restons solidaires
La consommation de bière diminue, les exportations stagnent. Bref, le marché est compliqué. Mais leur force de frappe, c’est ce collectif qui partage les succès comme les galères. Lors de la dernière Assemblée Générale où en toute transparence il n’y avait pas de bénéfice annoncé pour cet exercice, les coopérateurs applaudissent et continuent de soutenir leur brasserie en organisant des évènements fédérateurs tels que des randos VTT, par exemple.
Pour atteindre le seuil de rentabilité, ces drôles de brasseurs doivent produire et vendre 3000 hectolitres par an. Un hectolitre = 300 bières. 3000 hectolitres, ça en fait 900 000! Alors, ils font aussi des “bières à façon”. Ils sous-traitent donc avec un cahier des charges bien précis pour produire pour d’autres.

Leur créativité entrepreneuriale ne s’arrête pas là. Il y a aussi la bière des coopérateurs. La chicon-cassonade est issue de 60 propositions. Puis, il y a aussi les “one-shots”, des créations ponctuelles pour sortir du cadre.
Particularité assumée et débattue : lors des votes de l’AG, le nombre de voix est en fonction du nombre de parts détenues contrairement au principe “une personne = une voix” appliqué habituellement dans les coopératives. Il y a de 1 à 10 parts par coopérateur. Chaque part vaut 550 €.
Une bière pour le bien de tous
Ils brassent, certes. Mais ils s’engagent aussi. Le projet Ramborinage, par exemple, vise à rendre visible leur action collective. Ils affichent dans leur Boribar des créations locales, partagent leurs goodies collectors, testent une version du GPS Waze en borain pour sensibiliser à l’alcool au volant.
Ce sont des militants joyeux, qui croient qu’une bonne bière peut aussi changer un coin, voire plus.
La Brasserie du Borinage, c’est un modèle hybride, turbulent, joyeux et convivial qui fonctionne parce qu’il fait sens. Une entreprise où la coopérative n’est pas un vernis démocratique, mais un moteur.
Maintenant, je sais : il y a des bières qui se boivent… Et d’autres qui se vivent.
Découvrez la Brasserie du Borinage ici – Le bar est ouvert les jeudis, vendredis et samedis de 17h à 23h.
Un tout grand merci à Cédric Brunin de m’avoir accueillie si chaleureusement, de m’avoir fait visiter les installations, de m’avoir fait découvrir leurs délicieux breuvages!

Suite au prochain épisode!
A Cooperative Brewery in Boussu Breaking All the Rules
Boussu, just 22 kilometres from Valenciennes in France and a stone’s throw from Mons, the European Capital of Culture in 2015. Lots of cars, barely a soul on foot, a single cyclist. And yet, tucked away here is a feisty cooperative brewery shaking things up with six to eight beers—each with a bold name and a distinctive twist.
So how did I end up there?
At a January 2025 conference on boosting the visibility of cooperatives, I came across the Brasserie du Borinage. In a fruit auction hall run by Bel’Orta, a speaker took to the stage. No suit. No corporate pitch. Just a fired-up guy delivering a razor-sharp talk with raw energy.
I was hooked. Properly hooked.
No-frills cooperative model
Founded in 2020 by three modern-day musketeers, the Brasserie du Borinage is no run-of-the-mill brewing venture. From day one, they’ve challenged the rules—not just brewing decent local beer, but using it as a cultural and social springboard. This co-op is built to bring people together.
Today, there are over 650 cooperative ambassadors and nearly ten full-time staff. Some are locals, others from further afield. It’s a buzzing network—injecting energy, ideas, labour and purpose.
They brew in Boussu, in André’s old family farm—André being the father of Antoine Malingret (aka Pinte Manager). The place has been transformed into a small-scale collective brewery. Oddly, they sell more in Liège than in nearby Mons.
The project’s solid: they promised a rooted venue, identity-rich beers and firm commitment—and they’ve delivered.
“We say what we do, and we do what we say.” — Cédric Minot (Propaganda Officer)
Their communication is bold, smart and omnipresent. Everything becomes a story. Even a lawsuit, after mocking a police officer on a label, turned into a storytelling goldmine. There’s self-mockery, strong visual culture and a sense of unity—what they call the Borinage attitude.
Beer as manifesto
Every beer tells a story. Take Urine, a fragrant IPA that’s become their signature, top-selling brew. A cheeky name with surprising finesse. Then there’s Mulet Pils, Boriner Vice, Empire—and yes, a beer brewed with Belgian endive and brown sugar. You can’t get more Belgian than that.

Behind the irreverence lies intent. Everything’s a message. Even the packaging. They champion the can: lighter, endlessly recyclable, and better for freshness. During my visit, Cédric Brunin (Mandaï en Chef) explained that just one beam of light can spoil a beer—and in the US, it’s the cheap stuff that goes in bottles. So their choice of cans isn’t about following trends. It’s thoughtful, eco-minded, and cutting-edge for Belgian craft beer.

Mullet cuts and microbrewery flair
Then came the mullet. The Mullet Festival, first held in 2019, was a stroke of madness that made serious noise for the brewery. It exceeded expectations: 1,500 people, buzzing atmosphere, haircut contests, live gigs, hair-inspired happenings—and the birth of Mulet Pils.
This co-op is rock’n’roll, fun, seriously capable, and teeming with human riches. It’s a haven of unexpected talent—designers, farmers, fermentation geeks, folklore lovers. They don’t just play at being participative. They are.
Tough times, strong bonds
Beer consumption’s down, exports are flat. It’s a tough market. But their power lies in the collective spirit—sharing both wins and struggles. At their last General Assembly, they openly announced zero profit—and got a round of applause. Co-op members stuck by them, organising community events like mountain bike rides.

To stay afloat, these bold brewers need to produce and sell 3,000 hectolitres per year. That’s 900,000 beers. So they also brew “custom beers” for clients under strict specifications.
Their creative drive doesn’t stop there. There’s also a beer co-created by coop members—the chicon-and-brown-sugar brew emerged from 60 suggestions. Plus, they do one-offs and limited runs to break out of the mould.
One quirk—upfront and debated: in General Assembly votes, the number of votes depends on shares held. Not the usual “one person, one vote” model. Each member can hold between 1 and 10 shares, priced at €550 each.
Beer that brings people together
Yes, they brew. But they do more than that. The Ramborinage project shines a light on their collective impact. Their Boribar showcases local creations, offers rare merch, and even tested a localised version of Waze in dialect to raise awareness about drink-driving.
These are joyful militants who believe beer can change a neighbourhood—maybe even more.
Brasserie du Borinage is a hybrid, rebellious, joyful and people-first model. A place where the cooperative is not just democratic icing—but the engine itself.
Now I know: some beers are made to drink… and some are made to live.
Check them out here: https://brasserieduborinage.be/la-brasserie/. The bar’s open Thursday to Saturday, from 5pm to 11pm.
Massive thanks to Cédric Brunin for the warm welcome, the tour, and the delicious tasting!
Stay tuned for the next chapter!
