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The Shaktipunj Express 2nd part (Kathy- Jabalpur- Dec. 23)

05h50’: L’odeur d’urine me réveille. Le train est à l’arrêt. Je sors me dérouiller les jambes et je ne capte pas bien.

Tout est recouvert de cendres. Je me crois sur la lune!

Je comprends que ces paysages étranges, la nuit dernière, étaient des centaines de kilomètres de wagons croulants sous des millions de tonnes de charbons au milieu d’une terre éventrée. 

Il y a des dizaines de hautes cheminées qui crachent du gris, du noir, du blanc et du jaune…

Et au milieu des cendres, des corps maigres ont entamé la gymnastique matinale des sphincters, le long des rails.

Chopan, Obradam, Singrauli, il ne fait pas bon vivre ici.

Puis, comme par enchantement, un plan d’eau couvert de lotus en fleur…

En Inde on dit que “Une fleur de lotus pousse mieux là où la boue est épaisse”…

Le lotus est un symbole très important dans le bouddhisme où sa présence accentue l’idée de l’amour, de la passion, de la vie qui ressuscitent; et dans l’hindouisme où il est l’attribut des divinités, tel Vishnu, et symbole de l’épanouissement de l’âme.

06h15’: Bizarre, bizarre. Il ne se passe RIEN! Ceci est un phénomème surnaturel en Inde!

Ni marchand, ni service de petit déjeuner, ni femmes, ni enfants, … et aucun homme qui se brosse les dents dans ce train long comme les années lumières qui me séparent de Kolkata.

Je flotte carrément dans une autre dimension. Je ne cherche même plus à comprendre quand des bribes d’informations diverses et variées me parviennent.

Il semblerait qu’un wagon s’est renversé au loin sur les voies et bien sûr, ça bloque tout.

Plus d’eau depuis des heures, d’où l’odeur des toilettes, plus de marchands puisque nous sommes au milieu de nulle part, pas de petit déjeuner et le pire de tout, pas de thé. On n’entend que cela sur toutes les lèvres, tchaï, tchaï, tchaï…

11h30’: Alors les miracles reviennent à l’assaut. Les “coach attendants” filent je ne sais où et reviennent des heures plus tard avec des petits thermos de thé et un merveilleux partage de micro-tasses se met en route… C’est divin! 

Je suis très privilégiée car le chef de train en personne vient me servir un thé, puis c’est le mari de Bhumi, Mohit, qui m’en offre un. Le premier d’une longue série.

Ensuite, des voyageurs arrivent avec des bouteilles d’eau. Il semble que la planète entière se coupe en quatre pour se/ nous réconforter. Quelle entraide! Quelle bonne humeur! Quel humour aussi! 

Personne ne râle, personne ne se plaint.

Même tous les regards braqués sur moi, sont chassés par les regards noirs de Bhumi et de sa famille qui me prennent littéralement sous leurs ailes. Revirement total de situation!

Bhumi m’apprend quelques phrases qui tuent et nous en rigolons à en avoir mal au ventre!

“ Aapko koi problem hai?” ou “Aap humko aise kyu deki rache ho?”, en hochant la tête et en tournant les mains dans un geste théâtral.

Je viens de rencontrer cette famille jaïn composée de pur amour et d’une tonne d’humour et déjà le courant passe comme si nous étions potes depuis des lunes.

14h30’:  Nous n’avons toujours pas bougé mais passons de délicieux moments de partage, de confidences, de jeux, de ladhu maison à base de farine de pois chiches.

14h47’:  Et si on tapait la carte? Pour des sous! Sur le quai! Avec un attroupement en liesse! 

Les “coach attendants” ôtent leur chemise officielle. Ils sont en service tout de même et jouer pour des sous est strictement prohibé sur le territoire. Cela devient le délire et c’est super captivant.

Et surtout, nous rions du comique de la situation: notre Express qui déjà prenait 25 heures pour parcourir les quelques 1200 kilomètre entre Kolkata et Jabalpur va au moins en prendre 8 de plus. A ce stade-là!

15h30’: Quelques passagers perdent un peu patience et prennent armes et bagages pour parcourir les derniers 350 km en taxi. Action tout à fait inutile car cela va leur prendre plus d’une journée mais vu que notre train s’obstine comme un mulet à ne pas bouger….nous envisageons la même solution quand un hoquet fait avancer cette longue et lourde chenille.

Et bam! Une fois de plus les miracles vont tomber du ciel.

16h39’: Nous voici de nouveau à l’arrêt mais dans une gare cette fois.

Le tabla indien a fonctionné: des repas de fortune surgissent de partout. Je voulais un Butter Masala avec deux chapattis, les voici!

IN-CRO-YABLE mais vrai. Et chacun de partager ce qu’il vient de dégoter. On s’empiffre avec soulagement dans un élan solidaire.

17h00’: C’est la chenille qui redémarre…

17h20’:…. et qui s’immobilise. Bon, la nuit tombe, moi aussi. Je vais dormir un peu.

21h30’: Nous sommes arrivés à Jabalpur où le début d’une belle amitié avec mes nouveaux amis va fleurir comme les lotus.

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