The Indian Coffee House at Connaught Place in Delhi (Kathy, Nov. 23)
ENGLISH VERSION BELOW
Et voilà, c’est parti!
La dernière fois que j’ai mis les pieds à Delhi remonte à au moins 30 ans.
C’est une ville immense de 35 millions d’habitants. Un melting pot de cultures, de religions, de langues, d’odeurs, de quartiers, d’enclaves, de marchés, de lumières, de pollution, de verdure, de saveurs, de commerces, de cliniques, de musiques, de motos, de tuktuks, d’un metro ultra moderne et efficace, de bus déglingués, de mendiants qui marchent sur les mains faute de jambes, de couples qui se font des oeillades, de temples, de guirlandes de fleurs, d’encens, de singes, de chiens estropiés, de petits marchands, de saris, de kurtas, d’uniformes, de magnifiques cheveux noirs, de beaux mecs et de surprises.
J’entame une tournée de trois mois pour visiter un certain nombre de Indian Coffee Houses et choisis celui de Connaught Place pour commencer.
D’abord un petit mot sur Connaught Place composée de deux immenses cercles et deux voies circulaires avec au milieu un énorme parc.
Ça grouille de partout. C’est un des grands centres financiers, commerciaux et d’affaires de la capitale.
Tu y trouves des banques à côté des changeurs d’argent du marché noir, des fausses Gucci en face des boutiques de luxe, des Radisson Blue à côté de familles qui vivent à même le trottoir.
Bon, t’as capté que Connaught c’est plutôt British comme nom. Bien vu!
C’est une magnifique création des Britanniques qui date des années trente mais les Gandhi, dont Indira et Rajiv, ont rebaptisé les deux cercles Rajiv Chowk et Indira Chowk.
Ça fait tout de suite plus local, penses-tu? Pas tout à fait. Chawk vient de l’hindi “cauk”, certes, mais dans le dictionnaire anglais “chowk” signifie un marché, un carrefour, un rond-point.
Mariage mixte!
Bon, revenons à nos moutons.
Le Indian Coffee House de Connaught Place se trouve en fait à l’adresse suivante:
Babakharak Singh Marg Mohansingh Place 2nt floor, Baba Kharak Singh Rd, near P V R rivoli, New Delhi, Delhi 110001
Tu grimpes deux volées d’escaliers à Mohan Singh Place à Connaught Place (tu suis toujours?) et tu te retrouves sur une immense terrasse remplie de singes au cul rouge vif que tu as intérêt à éviter en longeant les murs l’air de rien, pour te retrouver dans ce café mythique dont l’histoire a débuté en 1957 et qui est devenu une institution au fil des ans. C’était un lieu bien connu des intellectuels, des écrivains et des acteurs.
Avec beaucoup de perspicacité, le Indian Coffee Board a choisi des emplacements près des collèges, des bureaux, des gares et des marchés, assurant ainsi une clientèle variée d’amoureux, de travailleurs, de familles, de groupes d’amis.
L’attrait pour la chaîne pourrait être attribué au fait qu’à l’époque la plupart des cafés étaient gérés par les Britanniques et discriminaient les Indiens. Mais en fait, au milieu des années 50, le vent tourna pour le Coffee Board qui était britannique. Le Board a fermé plusieurs Coffee Houses partout en Inde et a licencié les employés.
Cela a marqué un fameux tournant car le célèbre leader communiste A.K. Gopalan a pris la direction des employés licenciés et organisé des sociétés coopératives dans tout le pays.
C’est ainsi qu’est née la “Indian Coffee Board Workers’ Cooperative Society”.
Parmi ces nombreux employés, beaucoup ont consacré leur vie, leur argent, leur énergie et leurs efforts à la formation de la société.
La première ICH de la nouvelle génération a ouvert ses portes à Delhi le 27 décembre 1957.
Le lieu est géré de manière indépendante et symbolise la souveraineté des travailleurs.
Mais de 1975 à 1977 l’ICH de Delhi a été fermée lorsque Indira Gandhi a déclaré l’Etat d’urgence en Inde.
En 2023 plus de 400 succursales de l’ICH sont en activité dans toute l’Inde.
Chacune est un symbole du patrimoine du pays. Certaines se portent bien, en fonction de l’héritage qu’elles portent, d’autres sont menacées par la prolifération des chaînes de café, par la Starfuckisation.
Je nous invite à repenser nos modes de consommation et à considérer l’histoire et surtout l’humain derrière un lieu, un bistrot, un resto….
La succursale de Connaught Place a accueilli des militants et des dirigeants politiques dans les années 60 et 70.
Aujourdhui, c’est moi, qu’elle accueille avec un premier refus pour y organiser des ateliers d’écriture. Ils m’invitent à contacter le Head Office pour avoir leur autorisation.
L’endroit est lumineux et assez paisible en ce jour de fête.
Je m’installe à une des douze tables en inox et savoure mon premier repas salé composé de vadas, idli, vegetable cutlets (un grand classique qui a fait couler beaucoup d’encre. Je vous en reparlerai) et un lemon squash que j’ai oublié de demander non-sucré.
Je suis servie rapidement par un des deux serveurs enturbannés, Monsieur Ranveer Singh Gusain qui a 20 ans de service et qui en est heureux. Son collègue, Monsieur Satinda Singh a 27 ans de service et a aussi sillonné les succursales à travers le sub-continent, de Chandigarh à Shimla.
A la caisse de ce lieu magique ouvert 7 jours sur 7 de 8h30’ à 21 heures, trône fièrement Monsieur Chanter Shaker Joshi présent depuis 27 ans.
Et puis, pas de délices sur la table sans les deux cuisiniers dévoués à leur clientèle. Ils ne parlent pas du tout l’anglais et leur service ne m’a pas permis de parler longuement avec eux.
J’y retournerai, ateliers d’écriture ou pas. Ces gars et ce lieu ont une âme et moi, j’aime beaucoup ça.
And here we go!
The last time I set foot in Delhi was at least 30 years ago.
It’s an immense city with 35 million inhabitants, a melting pot of cultures, religions, languages, smells, neighbourhoods, enclaves, markets, lights, pollution, greenery, flavours, shops, clinics, music, motorcycles, tuk-tuks, an ultra-modern and efficient metro, rickety buses, beggars walking on their hands for lack of legs, couples exchanging glances, temples, flower garlands, incense, monkeys, crippled dogs, small merchants, saris, kurtas, uniforms, magnificent black hair, handsome guys and surprises.
I embark on a three-month tour to visit several Indian Coffee Houses, starting with the one in Connaught Place.
First, a word about Connaught Place, composed of two immense circles and two circular roads with a huge park in the middle. It’s bustling everywhere. It’s one of the major financial, commercial, and business centres of the capital. You find banks next to black-market money changers, fake Gucci across luxury boutiques, Radisson Blue next to families living on the sidewalk.
Well, you caught that Connaught is quite British in name. Well done! It’s a magnificent creation of the British dating back to the thirties, but the Gandhis, including Indira and Rajiv, renamed the two circles Rajiv Chowk and Indira Chowk. Does it immediately sound more local to you? Not quite. “Chawk” comes from Hindi “cauk,” certainly, but in the English dictionary, “chowk” means a market, a crossroads, a roundabout. A mixed marriage!
But let’s get back to the point. The Indian Coffee House in Connaught Place is actually located at the following address:
Babakharak Singh Marg Mohansingh Place 2nt floor, Baba Kharak Singh Rd, near P V R rivoli, New Delhi, Delhi 110001
You climb two flights of stairs at Mohan Singh Place in Connaught Place (are you still following?) and find yourself on a vast terrace filled with monkeys with bright red behinds that you better avoid by hugging the walls nonchalantly to enter this legendary café whose history began in 1957 and has become an institution over the years. It was a well-known place for intellectuals, writers, and actors.
With great insight, the Indian Coffee Board chose locations near colleges, offices, stations, and markets, ensuring a diverse clientele of lovers, workers, families, and groups of friends.
The attraction to the chain could be attributed to the fact that, at the time, most cafés were managed by the British and discriminated against Indians. But, in fact, in the mid-1950s, the wind turned for the British-owned Coffee Board. The Board closed several Coffee Houses across India and laid off employees.
This marked a significant turning point as the famous communist leader A.K. Gopalan took charge of the laid-off employees and organised cooperative societies across the country. This is how the “Indian Coffee Board Workers’ Cooperative Society” was born. Among these many employees, many dedicated their lives, money, energy, and efforts to the formation of the society.
The first new-generation ICH opened its doors in Delhi on December 27, 1957. The place is managed independently and symbolises the sovereignty of the workers.
But from 1975 to 1977, the ICH in Delhi was closed when Indira Gandhi declared a state of emergency in India.
In 2023, more than 400 branches of ICH are in operation throughout India. Each is a symbol of the country’s heritage. Some are doing well, depending on the legacy they carry, while others are threatened by the proliferation of coffee chains, by “Starfuckization.”
I invite us to rethink our consumption habits and to consider the history and, above all, the humanity behind a place, a pub, a restaurant…
The Connaught Place branch welcomed activists and political leaders in the 1960s and 1970s.
Today, it’s me they welcome with an initial refusal to organise writing workshops. They invite me to contact the Head Office to get their permission.
The place is bright and quite peaceful on this festive day.
I settle at one of the twelve stainless steel tables and savour my first meal consisting of vadas, idli, vegetable cutlets (a classic that has caused a lot of ink to flow. I’ll tell you about it later), and a lemon squash that I forgot to ask for non-sweet.
I am quickly served by one of the two turbaned waiters, Mr. Ranveer Singh Gusain, who has 20 years of service and is happy about it. His colleague, Mr. Satinda Singh, has 27 years of service and has also traveled to branches across the subcontinent, from Chandigarh to Shimla.
At the cash register of this magical place, open 7 days a week from 8:30 am to 9 pm, proudly sits Mr. Chanter Shaker Joshi, present for 27 years.
And then, no delights on the table without the two chefs dedicated to their clientele. They don’t really speak English, and their busy service didn’t allow me to speak with them at length this time.
I’ll go back, whether for writing workshops or not. These guys and this place have a soul, and I really like that.
2 Comments
Nathalie Heintz
Connaught Place pour débuter?
Autant commencer l’aventure par une bonne historiographie, en effet!
On peut supposer que le joyeux désordre ordonné qui fait un des charmes indiens se chargera de jeter les dés dans un hasard tout destiné pour les hommages suivants de notre globetrotteuse favorite! Et Chronos n’aura plus alors qu’à se rhabiller.
Merci Kathy pour instruire mon cerveau paresseux sur cette institution de l’Inde.
Les travailleurs de tous niveaux ne seront pas peu fiers de figurer, photos à l’appui, sur cette nouvelle gazette internationale. Point de hausse de salaire en échange, ce serait anti-constititionnel du concept mais la gloire en revanche, perpétuelle.
Kathy Van der Elst
Hahaha, ta jolie plume s’envole, chère amie. Merci, ma Nathalie.